Illustration de la Divine Comédie de Dante Alighieri
Isa Manzi

Le titre donné par Dante à son œuvre en premier lieu n’était pas « La Divine Comédie » mais simplement « La Comédie ». Et c’est précisément avec le mot comédie que cette illustration a vu le jour, même si travailler sur ce poème a été tout bonnement divin. 

Un grand merci à Madame Linda Piazza pour sa confiance en me demandant d’aborder la divine comédie de façon ludique. C’est volontairement que j’ai dirigé mon trait vers la lumière et que j’ai tenté de cueillir au cœur de cette œuvre ce qui pouvait illustrer de façon légère ce faramineux poème au fil de l’enfer, du purgatoire et du paradis. J’ai gardé en point de mire la conclusion heureuse de cette citadelle littéraire et dessiné chaque élément avec un sentiment d’unité. Dante nous offre depuis notre intériorité d’appréhender la divine création, la connaissance de soi de l’infiniment petit jusqu’à l’infiniment grand.

C’est un travail d’illustration dans lequel se glissent des phrases et des mots. Et puisque les mots sont l’infiniment grand chez Dante, ils sont l’infiniment petit de cette illustration.

 

 

Image 1 les animaux

Tout commence avec le drapeau à damier de formule 1 situer au pied duquel, tel un chemin, s’inscrit la première phrase du poème : « Au milieu du chemin de notre vie, je me trouvai dans une forêt obscure, la route droite était perdue ».

Cette phrase aboutie devant le guépard, le lion et la louve qui comme au spectacle regardent la scène du chaudron. Contrairement au texte d’origine ils n’ont pas l’air féroce mais ils sont plutôt détendus, puisqu’après tout, en empêchant Dante de gravir la montagne lumineuse, dessiné juste derrière, ils ne se trouvent pas trop bêtes en participant pleinement à la consécration de Dante.

Image 2 Virgile

A gauche se trouve Virgile, le dessin a été inspiré par la statue de marbre de Gabriel-Thomas qui se trouve au musée d’Orsay. Virgile est quelque peu perplexe d’observer Dante en pareil posture et se joue d’un trait d’humour avec la phrase : « A ce stade la situation ne peut qu’Empyrée ». Aux pieds de Virgile il y a un soufflé pour signifier l’aide qu’il a apporté à Dante lui permettant en attisant le feu de s’élever au-dessus de l’enfer. Tout autour de Virgile sont inscrits les mots de Dante : « Serais-tu ce Virgile, cette fontaine d’où coule un si large fleuve du parler ? Ô des autres poètes honneur et lumière ! Que me soit compté le long désir et le grand amour qui m’a fait chercher ton volume ».

 

Image 3 Gramophone

Pour rester en musique l’idée a été de relier comme un pont au fil du temps les 33 chants et les 33 tours. Ainsi le dessin d’un gramophone et dans les trois trente-trois tours résonnance les  33 chants de l’enfer, du purgatoire et du paradis. S’en oublier, noter + 1 sur la platine, le chant préliminaire de l’enfer.  Dans chacun des sillons des trente-trois tours sont inscrits pour le premier les 9 cercles de l’enfer puis les sept cadres du purgatoire et enfin les 9 ciels du paradis.

Image 4 Chaudron

Au milieu, il y a le chaudron avec en son ventre le visage de Satan dévorant les damnés et semblables aux flammes de couleur rouges sont notés tous les vices qui régissent l’enfer. Je n’énoncerai pas tous les vices parce que je me suis rendu compte en écoutant les informations alors que j’élaboré mon dessin qu’ils avaient tous lu l’enfer de Dante à la télé et que nous étions en pays de connaissance. Je reste donc à la lumière.

Image 5 1 Tableau

Nous venons de voir les scènes du bas du tableau et nous allons grimper d’un étage.

Imagine 5 Dante

Au-dessus du chaudron se trouve Dante qui entame son ascension, l’air un tantinet renfrogné mais toujours très digne. Sa posture est celle d’un méditant symbolisant le temps qu’il lui a fallu pour écrire la divine comédie. Et le dessin de son pantalon ressemble à une chenille pour s’associer à l’idée d’élévation, comme la chenille qui est larve avant de devenir papillon.

Il se présente : Io sono Dante et de l’autre côté précise le pourquoi de toute cette aventure : « Béatrice Guarda tutto quelle che faccio per te ». Sur son écharpe est inscrit le nom de son œuvre.

Autour de lui les anges racontent le passage du purgatoire, chacun tient dans sa main la lettre P avec un chiffre faisant allusion aux sept péchés qu’il faut dépasser pour accéder au paradis. (Purgatoire, IX). L’annotation P1, P2, P3…est là pour faire penser à des places de parking dans lesquelles on stationne un temps et le dû que l’on paye pour en sortir. J’ai trouvé l’association d’idée  intéressante parce que nous ne sommes pas tous garer au même étage dans un parking. Tu es garer où ? Au P1 et toi ? Au P4…Comme il est question de connaissance de soi l’œuvre me rattrape et je me suis demandé  est-ce parce que je suis Bastiaise que l’idée du parking a surgit de mon inconscient ? Qui sait ?

Image 6 Eunoé

Un peu plus haut à gauche il y a une bouteille qui contient l’eau du fleuve de l’Eunoé. Impossible de ne pas illustrer un tel miracle. Une divine idée que d’inventer cette eau qui a la vertu de faire disparaître de la mémoire tous les mauvais souvenirs pour ne garder que les bons. Un fleuve à mémoire sélective. Des deux verres qui trinquent l’un incarne le poète Stace et l’autre Dante. On trinque généralement au moment où l’on fait la fête, quand on est heureux et qui ne serait pas heureux de boire l’eau de l’Eunoé. 

Dans le verre de Dante, il y a une rose blanche en référence à la rose céleste, d’où le rayon de la lumière divine posée sur elle.  De plus c’est dans cette scène que Dante après avoir bu, ressuscite en esprit et se retrouve purifié, prêt à monter aux étoiles. (Purgatoire, XXXIII).

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Image 7 Béatrice

En haut à droite se trouve Beatrice disposé au seuil du Paradis pour guider le poète jusqu’à l’ultime lumière. Le griffon placer à cet endroit est un clin d’œil pour signifier le caractère divin de Béatrice mais encore souligne l’incapacité qu’à l’esprit humain en l’état à pouvoir contempler l’Empyrée. Le griffon, c’est le Christ lui-même.

Image 7 bis Char et visage de Dante

Derrière Béatrice il y a le char qui incarne le moment de la procession mystique où dans un nuage de fleurs elle fait une glorieuse apparition vêtue d’un manteau vert et d’une robe rouge (Chant XXX purgatoire). Et voilà qui est parfait au niveau des couleurs pour donner à ce passage plus de présence.

Dans le texte de Dante Béatrice porte aussi un voile blanc (Blanc la foi, vert espérance, rouge la charité) qui n’a pas été dessiné compte tenu déjà de la présence du griffon.  Que serait-il resté du beau visage de Béatrice ?

Autour de Béatrice rayonne la phrase : « Il faut qu’il boive de cette lumière avec les yeux pour acquérir la vue surnaturelle », phrase d’introduction à la scène suivante où de la tête de Béatrice sort l’image de Dante qui se retrouve face au ciel de Dieu, c’est le moment où il acquière grâce à elle la pleine compréhension de lui-même par la connaissance intime de l’unité en toute chose. Béatrice est baignée par la lumière de l’Empyrée.

Image 8 1 Tableau Nous venons de voir les éléments du second plan.

Image 8 Vierge Marie

En haut à gauche se trouve la vierge Marie, éminemment présente à chaque moment clé dans l’ascension de Dante, une clé à trois anneaux, le Père, le Fils et le Saint-Esprit et la serrure est en forme de croix.  Le dessin de la vierge Marie est moins appuyé car elle est déjà la lumière qui englobe l’âme et le cœur. Elle se trouve à l’intérieur d’une porte et le panneau au-dessus avec le sigle de l’autoroute indique la voie rapide en passant par elle pour arriver jusqu’à l’Empyrée.

 

Image 9 Empyrée

Justement l’Empyrée est placé au centre du tableau rayonnant de jaune et d’or. Dans la divine comédie il est question de lumière blanche, lumineuse j’aurai pu proposer un espace tout blanc mais vous auriez été en droit de trouver cela un peu léger et puis surtout pas tout le monde n’a de griffon dans l’œil pour percevoir cette intense lumière.

Image 10 Dante visage extase

Nous arrivons à l’image de Dante et là le dessiner en pleine extase a été pour moi une révélation, à chacun son graal. Parce qu’alors en découvrant son iconographie, ce n’est pas vraiment la joie, son visage est globalement toujours grave et douloureux. Il a fallu trouver le juste équilibre, je ne pouvais au vu de ses portraits franchir la ligne blanche de l’Empyrée le dessinant en train de rire aux éclats. C’est donc avec un léger sourire et un sentiment d’extase que j’ai eu le privilège de l’illustrer.

Comme lui a conseillé Béatrice, il boit de cette lumière avec les yeux afin d’acquérir la vue surnaturelle.  je viens de me rendre compte qu’il boit beaucoup dans cette illustration certes il s’agit d’eau et de lumière mais quand même. Il est inscrit à l’intérieur du rayon : « Si j’étais dans l’en-toi comme toi dans l’en-moi ». Autour de lui descend les derniers mots du poème depuis le drapeau à damier d’arrivée : « Déjà commandait aux rouages dociles / De mon désir et de mon vouloir, l’amour / Qui meut et le soleil et les autres étoiles ».

Image 11 Le mot amour

Au pied du drapeau le dessin et les lettres s’unissent pour former le mot amour qui crée et symbolise l’unité en toute chose.

Image 12 Tableau

Enfin pour clore cette aventure en image tout autour du tableau quasiment en filigrane est résumé le dessein ultime de Dante, à savoir que son œuvre serve à titre d’enseignement et d’exemple : « Maintenant, si tu veux un plaisir qui surpasse / Ta peine, ô mon lecteur, reste assis sur ton banc / À songer par toi-même à ce qu’ici j’effleure. / Je t’ai servi : mange à présent tout seul. » (Paradis, X). C’est cet apprentissage intérieur, de la connaissance de soi pour atteindre l’illumination qui est l’aboutissement du voyage de Dante. Reste qu’à mon échelle dessiner Dante en extase a été un aboutissement en soi. Dante si tu m’entends merci.

Merci.